
🎯 Comment fixer la rémunération du gérant de SARL ?
Le gérant d’une SARL n’est pas obligatoirement rémunéré. Une éventuelle rémunération doit être distinguée du salaire éventuellement perçu par le gérant s’il y avait cumul entre les fonctions de gérant et un contrat de travail dans la même société.
Alors même que le sujet est pourtant fondamental, aucun texte ne prévoit, ni n’encadre, la rémunération des gérants, dans le cadre des SARL.
A défaut de référence légale précise, il convient de se tourner vers le contrat de société, c’est à dire les statuts qui ont été signés par les associés – d’où l’importance que les associés signent tous les statuts, faute de quoi il existe un problème sur l’opposabilité des statuts aux associés qui ne les ont pas signés.
En conséquence, il appartient aux statuts de la SARL de déterminer librement le principe et les modalités de la fixation de la rémunération du gérant et ainsi d’appliquer les dispositions statutaires.
Souvent, les statuts précisent que ce sont les associés qui ont le pouvoir de déterminer le montant et la périodicité de la rémunération du gérant de SARL.
⚠️ Il est déconseillé de fixer la rémunération dans les statuts car toute modification de la rémunération impliquera une modification des statuts, ce qui implique une lourdeur administrative et notamment le dépôt au greffe du tribunal de commerce des statuts modifiés.
Si le principe de l’approbation en assemblée générale paraît cohérent afin de faire participer tous les associés au mode de rémunération du gérant, des cas surprenants et une jurisprudence stricte en la matière doit alerter sur la grande importance de l’assemblée générale, même lorsqu’elle semble dénuée de tout sens.
👫 Le cas SURPRENANT de la société entre époux
Afin d’illustrer au mieux la rigueur de la jurisprudence à propos de la nécessité d’une approbation en assemblée générale pour la rémunération d’un gérant de SARL, il convient de mettre en avant une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu au sujet de la rémunération du gérant dans une société détenue par deux époux.
📋 Les faits
Ainsi, deux époux étaient associés d’une SARL dont ils détenaient ensemble 100 % du capital.
Fin 2017 et début 2018, ils ont cédé leurs parts à une personne physique.
Une fois la cession réalisée, la société cédée et le cessionnaire ont demandé aux cédants de restituer des sommes correspondantes à des prélèvements faits par l’un d’eux, qui occupait la fonction de gérant, et ce au titre de l’exercice 2017.
La demande portait également sur les charges sociales afférentes à ces sommes.
La particularité de ces rémunérations est qu’elles n’avaient pas fait l’objet d’une décision de l’assemblée des associés autorisant leur versement pour la simple et bonne raison que le capital social était détenu par les deux époux.
⚖️ La décision de la Cour de cassation
Selon la Cour de cassation, si le Code de commerce institue des assemblées dans les SARL, le fait que les seuls associés soient deux époux ne les dispense pas de tenir ces assemblées.
Il n’est ainsi nulle part prévu de dérogation à la tenue de l’assemblée déterminant la rémunération du gérant, y compris lorsque le capital est détenu par les membres d’une même famille, voire d’un époux et sa femme.
🚨 La Cour de cassation exige ainsi que la rémunération d’un gérant soit autorisée par une assemblée générale des associés, faute de quoi le gérant pourrait se retrouver condamné à rembourser les sommes perçues ainsi que les charges sociales y afférentes.
Même si cette solution peut apparaitre sévère, cette solution est cohérente pour éviter toute forme d’irrégularités et de fraudes.
Menant probablement un raisonnement par analogie, la Cour de cassation aligne, de façon relative, le régime de la rémunération du gérant sur le mode de nomination de ce dirigeant, et abandonne la fixation de celle-ci aux associés pour mieux rappeler que le gérant n’a pas le pouvoir de déterminer seul et lui-même le montant de sa rémunération ou les conditions de celle-ci.
Cette décision marque bien l’attachement des juges à ces obligations formelles.
📚 Cass. Com. 25 septembre 2012 n°11-22.754
🏢 Le cas du gérant associé unique d’une EURL
Aussi surprenant que cela peut paraître, la décision fixant la rémunération du gérant associé unique d’une entreprise à responsabilité limitée doit être répertoriée dans le registre prévu au troisième alinéa de l’article L. 223-31 du Code de commerce, à défaut de quoi elle peut être annulée à la demande de tout intéressé.
📋 Un exemple frappant
Afin de rendre plus clair le raisonnement surprenant des juges par rapport au gérant associé unique, prenons une décision pour le moins frappante de la Cour de cassation, rendue également le 25 septembre 2012 :
Dans les faits, un gérant devenu associé unique était poursuivi en paiement par le cessionnaire, au titre de la convention de garantie de passif, pour s’être versé une rémunération sans autre approbation par l’assemblée.
Considérant que la fixation de la rémunération du gérant associé unique appartient en cours de vie sociale à l’assemblée, l’EURL dont le gérant associé unique n’étant rien d’autre qu’une SARL, la Cour décline le régime applicable à la rémunération des gérants de SARL. Dans cette décision, elle en déduit également que la décision prise sans respect de la formalité de publicité au registre est passible de nullité.
📚 Cass. Com. 25 septembre 2012 n°11-22.337
Ces deux décisions semblent découler d’une volonté de lutter contre la fraude, et si ces obligations d’assemblée générale ou de publicité semblent vides de logique, les sanctions étant irréversibles, les gérant doivent se montrer très prudents, en tout cas d’un point de vue formel.
⚖️ Les limites de l’assemblée générale pour éviter les abus
Ces obligations qui semblent simplement formelles lorsqu’il s’agit d’un gérant associé unique ou encore d’associés époux, le sont également lorsque le gérant a la majorité des voies en assemblée générale puisque dans ce cas les autres associés n’auront pas de possibilité de contrer l’approbation de la rémunération.
Toutefois, dans ce dernier cas où le gérant serait majoritaire, les associés peuvent s’opposer à un éventuel abus.
🛡️ Recours possibles
En effet, ils peuvent demander en justice le remboursement des rémunérations excessives en invoquant un abus de majorité, mais l’administration fiscale pourra rapporter une imposition supplémentaire majorée pour l’entreprise et pour le dirigeant.
Une assemblée générale pour approuver la rémunération du gérant, qui peut paraître superflue, et qui peut faire sourire les gérants dans des cas spécifiques, est une obligation prise très au sérieux par les juges, ainsi que par l’administration. En ce sens, les gérants doivent y prêter une attention bien particulière, afin de ne pas se faire sanctionner de manière inutile.
🎯 Conclusion : Vigilance absolue requise !
Comme vous pouvez le constater, la gestion d’une SARL implique le respect de nombreuses règles juridiques dont la violation peut entrainer des risques juridiques, fiscaux et sociaux très importants.
Le non-respect des règles de fixation de la rémunération des gérants fait partie de ces risques.
Les statuts, les pouvoirs des dirigeants de la SARL, les relations et les conventions entre associés, la rémunération du ou des gérants, etc., sont des éléments importants dans la vie d’une société.